99e  Anniversaire de Fondation de la SMÉ 
(2 Février 2020)


Homélie de Mgr Alain Faubert,
évêque auxiliaire de l’Archidiocèse de Montréal
Laval, dimanche 2 février 2020


Mal (3,1-4)
Lc  (2, 22-40)

 
Pas étonnant... que les évêques du Canada français... aient choisi cette date du 2 février, cette antique fête de la Présentation du Seigneur au Temple pour fonder une société des missions étrangères. Jésus est la Lumière des Nations... Et cette lumière a besoin de témoins!

On pourrait arrêter là l’homélie... on pourrait penser que tout est dit...
Il me semble qu’on peut tout de même dire quelque chose de plus, en regardant de plus près cet Évangile et ces textes de la Parole de Dieu aujourd’hui... quelque chose de plus sur Celui qui est la Lumière... et sur les témoins qu’il appelle à son service...

J’ai donc décidé de prendre la bonne vieille technique jésuite, et de me poser la question suivante: où sommes-nous dans le texte? Est-ce que l’Évangile, en plus de dévoiler qui est Jésus, nous situe par rapport à lui? Et même, poussons l’audace, est-ce qu’il n’y aurait pas spécialement quelque chose de dévoilé au sujet du témoignage et du service que la SMÉ est appelée à rendre à la Lumière des Nations?

Où donc se trouverait la trace ou le visage de la SMÉ dans cet Évangile...? En Marie et Joseph? Dans les figures de Syméon et Anne? Belle diversité des générations! Belle complémentarité hommes-femmes!
Est-ce que c’était plus difficile au moment de la fondation, en 1921, de voir ensemble des hommes et des femmes en service commun de la Lumière? Le fait est que... en presque 100 ans... c’est ce que vous êtes devenus!

Je résiste pourtant à l’idée que vous soyez devenus vieux... bien sûr, Syméon et Anne... pas des jeunesses. Et la SMÉ est devenue une Dame vénérable bientôt centenaire.

Mais voilà! Quand on regarde les choix du Seigneur dans l’histoire du Salut, il faut bien reconnaître que l’âge n’a pas souvent été un critère déterminant... David était trop jeune, Jérémie aussi peut-être... Abraham était trop vieux... alors Syméon... Anne? Et nous? Trop vieux? Vraiment?

Le fait est que Syméon et Anne, quel que soit leur âge, sont appelés à jouer un rôle décisif dans cet Évangile qui se trouve être le point culminant des récits de l’enfance de Jésus dans saint Luc.

Comme nous, ce ne sont pas des personnages célèbres pour leur époque. Plutôt d’humbles et pieux croyants, qui portent la mémoire et l’espérance de leur peuple. Est-ce qu’on ne peut pas se reconnaître en eux?

Malgré leur âge, ils sont des croyants modèles: attentifs à la venue du Seigneur, tendus de tout leur désir vers le Jour du Messie; vigilants dans la prière et le jeûne. Pleins d’espérance et de confiance.

Et même témoins du Christ, témoins de Dieu, auprès de tous ceux qui voudront entendre, au risque de passer pour des fous. Qu’est-ce donc que Syméon et Anne nous disent du Seigneur, par leurs paroles et par toute leur vie?

Ils nous disent d’abord que Dieu est fidèle à son Alliance. Eux, ils croient à ses promesses. Le Seigneur a promis qu’il va venir. Alors eux, se tiennent prêts, et tout près du cœur de l’action, au Temple. Ils savent que Dieu ne leur fera pas défaut.

Et voilà que Jésus arrive. Est-ce que Dieu fait une entrée glorieuse dans son Temple? Plutôt dans l’humilité et l’effacement. Au cœur de la foi juive, au centre de sa religion, le Messager, l’Envoyé de Dieu se présente. Mais pas comme on l’attendait... Vous avez entendu parler Malachie, dans la première lecture: « Il sera pareil au fondeur, redoutable... qui pourrait tenir debout devant lui? » Et voilà un enfant sans défense, dans les bras d’un jeune couple trop pauvre pour offrir le sacrifice prévu pour les plus nantis.

Syméon et Anne sont témoins du Dieu fidèle, mais déroutant, surprenant...
Témoins du Dieu qui entre par la porte de la Loi, au milieu du Temple, pour faire éclater la Loi, pour rendre désuet le Temple...

Syméon et Anne sont Témoins du Dieu qu’il faut savoir reconnaître, presque caché au coeur du monde... et pourtant dévoilé dans un enfant, un enfant en tout semblable à ses frères, comme le dit la Lettre aux Hébreux. 

Qui donc peut le reconnaître, petit enfant parmi les humbles? Qui peut l’accueillir, lui, pauvre parmi les pauvres? Ça prenait des petits et des humbles. Comme Syméon et Anne. Comme pour nous dire que c’est par des petits et parmi eux que le plan de Dieu s’accomplit.

N’est-ce pas ce dont vous êtes témoins, frères et soeurs de la SMÉ? Est-ce que le témoignage de Syméon et Anne ne ressemble pas à celui de la SMÉ?

1) Annoncer le Dieu fidèle à son amour pour tous;

2) Témoigner d’un Dieu qui ne se laisse pas enfermer dans un Temple, mais veut rejoindre ses enfants, ses frères et ses soeurs, là où ils sont;

3) Reconnaître ce Dieu déroutant qui n’arrive pas comme on l’attendait... qui peut se manifester déjà là, dans le génie des peuples auxquels on voudrait aller le porter;

4) Être en service de la Lumière des Nations... celle qui, comme le dit la Lettre aux Hébreux, vient libérer... ceux qui par peur de la mort passent leur vie dans l’esclavage.
Ceux et celles qui vivent des insécurités matérielles, des insécurités à cause de la guerre; des insécurités profondes partout quand on sent que le rouleau compresseur des logiques économiques veut nous écraser; ceux et celles qui se croient oubliés de Dieu, nés sous une mauvaise étoile, prisonniers des forces du mal qui ont colonisé leur conscience et leur coeur même...

5) N’est-ce pas le service que nous avons à leur rendre: témoigner de la lumière que cet enfant apporte... sur Dieu... et sur nous-mêmes! Jésus est la Lumière des nations, parce qu’il vient faire la lumière sur le véritable visage de Dieu, qui aime tous les hommes, de toutes races et de toutes cultures... Dieu qui les aime et veut pour eux la Vie, en abondance!

Syméon nous dit aussi que Jésus est la Gloire d’Israël. C’est-à-dire que Jésus vient accomplir la mission pour laquelle Israël avait été choisi : non pas garder pour lui-même les promesses de Dieu, mais les partager à tous les peuples.

Et je me dis que la gloire des PMÉ et de la Société des missions étrangères, ce n’est pas le nombre de vos membres... mais ces hommes et ces femmes qu’on ne peut compter qui ont été mis debout dans leur dignité par votre action.

La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est de voir Dieu, disait saint Irénée..
Si la gloire de Dieu, ce n’est pas Dieu lui-même... mais nous...

La gloire d’Israël, ce n’est pas Israël... c’est son rayonnement, selon son appel, selon sa mission.
La gloire de la SMÉ, ce n’est pas la SMÉ, mais sa vocation, son service de l’humanité.

Voilà!
On sent qu’il y a quelque chose de décisif dans l’Évangile de la Présentation. Désormais, Dieu est venu. Désormais, les prophéties sont accomplies. Avec Jésus, on passe des exigences de la Loi à la lumière de l’Esprit qui en est la clé.

Un passage que vivent Syméon et Anne. C’est remarquable que ces deux aînés ne se replient pas dans la nostalgie ou le refus du changement. Ils embrassent plutôt la nouveauté qu’apporte le Christ... ils s’en réjouissent. C’est ce qu’ils espéraient avec tellement d’ardeur.
Ils nous provoquent à ce passage; ils nous convoquent à ce passage. Dans la force de leur sagesse, comme des aînés dans la foi... Syméon et Anne nous disent : «N’ayez pas peur d’accueillir la nouveauté du Christ; n’ayez pas peur de ce que Dieu construit aujourd’hui dans le silence, malgré tous les effondrements du monde et de l’Église. »
En ce jour où l’Évangile nous rappelle que cet enfant dans les bras de Syméon sera un signe de division, nous sommes convoqués à une décision.

Décision pour nous d’accueillir ou de refuser ce Dieu qui se présente à nous dans l’humilité.
Décision pour nous d’accueillir l’Esprit qui nous aidera à reconnaître son passage dans nos vies, dans notre propre temple, pour pouvoir dire nous aussi au Seigneur : «Mes yeux ont vu ton Salut».

Décision renouvelée pour la SMÉ et tous ses membres, car une tentation pourrait se cacher dans cet Évangile: la tentation de s’identifier à ce point à Syméon qu’on en arrive à dire: « Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix... »

Il me semble que, pour la SMÉ, ce n’est pas le temps du Nunc dimitis, comme Syméon... mais plutôt le temps du service prophétique, comme Jérémie, comme Isaïe... non pas « Laisse-moi aller », mais plutôt: « Me voici, Seigneur, envoie-moi! »

Nous pourrons alors dire à la SMÉ: Ad multos annos, et je pourrai lui souhaiter, vous souhaiter... de profiter de cette 100e année pour non seulement célébrer le passé et le service accompli, ce qui est légitime, mais aussi pour imaginer de nouveaux chemins de rencontre, de témoignage, d’engagement, pour que partout sur la terre des hommes et des femmes qui ne la connaissent pas encore ouvrent leurs yeux et leurs coeurs à celui qui est la Lumière des Nations!

Amen!

La célébration en images...

ÉCHOS MISSIONNAIRES

Bonjour, aujourd'hui 2 février marque le 99e anniversaire de la fondation de la Société des Missions-Étrangères. J'ai pensé célébrer l'événement avec une centaine de roses ; 99 comme expression d'action de grâce pour les dernières 99 années et comme signe de la confiance pour la jeune centième année. Seule la rose du centième orne encore l'église. Les 99 autres, par les gens qui les ont reçues, continuent de fleurir dans différents endroits de la ville.... et il en est ainsi de la vie de la SMÉ. Jean Gaboury, p.m.é. (Japon)
Aujourd’hui c’est le 99e anniversaire de la fondation de la Société des Missions-Étrangères. Je dois beaucoup de choses à cette Société. D’abord, elle m’a accompagné dans mes études en théologie. (pendant 3 ans). Elle m’a donné les grands axes de ma spiritualité aujourd’hui, soit la justice, l’ouverture à l’autre, la paix, la vie intérieure, la connaissance de soi pour avancer. Elle m’a permis de travailler au Japon (8 ans), d’apprendre la langue, de découvrir la culture, d’aimer cette culture et l’Asie, de découvrir des rapports nouveaux avec Dieu, les hommes et la nature. Je souhaite donc remercier la Société des Missions-Étrangères pour tout ce qu’elle m’a donné. Bonne fête aux PMÉ. Bonne continuité malgré les tensions rencontrées dans notre monde et notre Église. Jean-Louis René (ancien membre 1984-90)