Innocents : Un appel à la justice et à la libération

Immédiatement après le jour de Noël, nous rencontrons des célébrations qui, à première vue, peuvent sembler choquantes en contraste avec l’esprit d’amour, de paix, de réconciliation et d’unité qui nous enveloppe en cette période. Le 26 décembre, nous nous rappelons le martyre d’Étienne, considéré comme le premier martyr qui a témoigné de sa fidélité au Christ Ressuscité jusqu’à donner sa vie. C’est précisément au Christ, le Messie, que nous rendons hommage à Noël, le Prince de la Paix qui, par sa vie, a apporté la restauration, la réconciliation et la promesse qu’en Lui, tout est possible.

Cependant, la commémoration du martyre d’Étienne, ainsi que la mémoire de tous les Saints Innocents deux jours après Noël, nous rappellent que le mystère de l’Incarnation a marqué le début de la libération humaine. Et cette libération n’est pas exempte de luttes. « Son Royaume » advient à chaque instant, affrontant des défis, des impasses et des persécutions. L’adoration de l’Enfant de Bethléem dans la crèche serait incomplète si nous ne considérons pas le défi d’annoncer la Bonne Nouvelle dans un monde plein de ruptures et de ténèbres, fermement attachés au mystère de la Croix et de la Passion. Car Celui qui repose dans l’humilité de la crèche est le même qui défiera la culture de la mort sur la croix.

Avec saint Étienne, nous faisons mémoire des martyrs de la foi, ces courageux défenseurs de la Vérité qui ont été connus et vénérés. En nous souvenant des Saints Innocents, nous honorons ceux qui, sans voix, sont morts dans l’ombre, persécutés, oubliés et réduits au silence par le pouvoir, écrasés sans avoir pu tendre les bras pour demander miséricorde.

Seul l’Évangile de Matthieu (chapitre 2) relate le massacre des innocents par Hérode. L’intention de l’évangéliste n’est pas seulement de décrire un fait historique, mais de présenter une réflexion théologique profonde. Bien que ce massacre ne soit pas mentionné dans les annales de l’histoire — par exemple, l’historien juif Flavius Josèphe n’y fait pas référence —, la brutalité du récit de Matthieu est cohérente avec la cruauté d’Hérode.

Ce récit s’inscrit dans le contexte de la révélation de l’ange à saint Joseph, de l’arrivée des Mages d’Orient guidés par l’étoile de la Vérité, et de l’assassinat des innocents par le tyran. L’histoire de Matthieu nous met en garde contre les dangers du pouvoir absolu. Dans cet Évangile, Jésus est présenté comme le nouveau Moïse, le Libérateur ultime venu pour sortir son peuple, le nouveau peuple de Dieu, des ténèbres et de l’esclavage.
Ce n’est pas un hasard si seul Matthieu parle de l’étoile qui guide les sages, ceux qui recherchent la vérité, la liberté, la justice et la rédemption. Dans Matthieu, Jésus est lui-même l’étoile, la lumière venue d’En-Haut. Il est, alors, la Lumière qui est la Vérité. Les Mages d’Orient suivent cette lumière parce qu’ils cherchent la Vérité, tandis qu’Hérode représente l’obscurité, les ténèbres, la froideur et la malveillance. Celui qui marche dans la lumière, qui est le Christ lui-même, vit dans l’authenticité du cœur humain.

Hérode, un roi vassal de Rome et marionnette du pouvoir dominant, possédait un caractère implacable. Il a fait tout ce qui était nécessaire pour rester au pouvoir, allant jusqu’à assassiner sa femme, son frère et trois de ses fils. Il utilisait la répression pour faire taire ses opposants. Il vivait à une époque tumultueuse, où les territoires sous son contrôle étaient disputés. Il est également connu comme un bâtisseur d’ouvrages, notamment pour la seconde reconstruction du temple. Cependant, ces réformes et ces désirs de grandeur ont eu un coût très élevé, impliquant des alliances, des stratagèmes, des impôts et des manœuvres politiques qui ont encore plus opprimé les classes défavorisées. Les pauvres étaient exploités, oubliés et marginalisés.

Beaucoup de ses adversaires ont disparu, jetés dans des fosses. Le récit des innocents à Bethléem, répétons-le, est théologique. Peut-être, étant un événement insignifiant, il n’a pas été inclus dans les récits historiques de l’époque. Il s’est produit dans un village isolé et oublié, à une époque où les enfants n’étaient pas considérés comme des personnes. Les veuves, les orphelins et les étrangers n’étaient pas non plus des sujets de droit. Pourquoi mentionner un tel événement face à d’autres faits plus significatifs commis par Hérode ?

Le message de l’Évangile de Matthieu est clair : peu importe combien les puissants de ce monde s’efforcent de rester au pouvoir à tout prix, et peu importe combien les forts continuent d’écraser les majorités et de voler l’espoir de leurs peuples, ils ne peuvent s’opposer aux plans de Dieu, qui souhaite que tous aient la vie en abondance. Dieu veut que l’être humain vive ; Dieu veut une vie en abondance pour tous, même si les Hérode et Hérodiade du monde s’efforcent de se déguiser en agneaux dociles et d’acheter les consciences.

Les Hérode et Hérodiade jettent leurs adversaires dans des fosses et continuent de tuer des innocents. Qui sont ces Hérode et Hérodiade d’aujourd’hui, qui précipitent les innocents dans l’oubli, emprisonnent leurs opposants et oppriment leurs peuples sous des bottes de fer et des fusils? Qui sont ceux qui forcent de grandes majorités à fuir dans le désert, échappant à la violence, traversant sur des embarcations précaires la Méditerranée, le golfe du Mexique ou les jungles? Qui sont ces Hérode qui achètent des alliances au prix de fonds mal acquis, d’exploitations minières illégales, d’or, de drogues, de pétrole et de pouvoir?

Serons-nous capables d’identifier les Hérode et Hérodiade d’aujourd’hui? Par leur cruauté et leur fanatisme politique et religieux, chaque fois qu’ils modifient les lois et les constitutions pour se maintenir au pouvoir. Par leur soif de pouvoir et d’ambition, semant obscurité et mort. Par leurs mensonges répétés mille fois, utilisant tous les moyens à leur disposition pour détruire la vérité et prostituer la justice. Ceux qui brandissent les armes contre les pauvres, qui détruisent la forêt, assèchent les rivières et violent la Terre-Mère…

Serons-nous capables de défendre avec courage les innocents d’aujourd’hui? Ceux qui sont bombardés jour et nuit, utilisés comme boucliers humains. Les innocents qui fuient des crises humanitaires et environnementales, les déplacés par les guerres, les oubliés des périphéries. Ce sont leurs voix qui crient vers le ciel. Écoutons la lamentation de Rachel, dans les pleurs des disparus en mer, dans les larmes des mères qui attendent le retour de leurs enfants de la guerre, et dans le cri de liberté des disparus et des torturés qui recherchent la justice.

Immédiatement après le massacre des innocents, la Sainte Famille est obligée de fuir en Égypte, cherchant refuge loin de la violence et de la cruauté déclenchées par Hérode. Cette émigration n'est pas seulement un acte désespéré, mais un rappel profond que le droit d'émigrer est inhérent à la dignité humaine. Aujourd'hui, des millions de personnes innocentes affrontent des situations similaires, contraintes d'abandonner leurs foyers en raison de la violence, de la persécution, de la rareté des ressources et du manque d'opportunités. Ces personnes entreprennent un voyage à la recherche d'un avenir plus humain et fraternel, espérant trouver un lieu où elles peuvent vivre avec dignité et sécurité.
 
En ce temps de Noël, que notre prière nous inspire à nous souvenir de ce qu'il y a de plus noble dans notre humanité : le cœur miséricordieux. Que la Miséricorde qui descend d'en haut guide nos actions, nous enseignant à promouvoir la justice et à élever notre voix en faveur de la liberté des opprimés. Nous devons nous engager à lutter contre les injustices perpétrées par les Hérodes qui rôdent encore aujourd'hui dans le monde.